Découverte neurologique fortuite sur un effet d'imitation de la violence.
Source: http://orthomoleculaire.wordpress.com/2007/07/
J'ai lu sur QUOTIMED un article fort intéressant que je vous copie et que vous pourrez retrouver ici.
Neurones miroirs et rivalité mimétique Quand sciences expérimentales et sciences humaines se rencontrent Il est des réunions de FMC plus originales que d'autres. La soirée récemment organisée par le Pr Oughourlian à l'Hôpital américain de Neuilly avait pour thème une curieuse correspondance entre les neurones miroirs, impliqués dans ce que l'on pourrait qualifier de reconnaissance d'autrui en soi-même, et la rivalité mimétique, comportement d'imitation entre individus, à partir duquel l'anthropologue René Girard analyse la violence des foules, et le contrôle de cette violence par le rituel du sacrifice. L'affaire mérite le détour. DEPUIS QUELQUES ANNÉES, certains neurologues et psychiatres d'esprit curieux attirent l'attention sur une surprenante convergence entre sciences expérimentales et sciences humaines. En soi, une telle convergence est une configuration absolument remarquable : puisque, en se corroborant l'une l'autre, deux démarches se vérifient mutuellement, on peut en effet supposer que les corpus en question touchent à des vérités fondamentales. La matière est donc la suivante. D'un côté, les neurones miroirs, découverts au milieu des années 1990 par les Prs Giacomo Rizzolatti et Vittorio Galese à l'université de Parme et qui donnent un support biologique aux comportements d'imitation. De l'autre, la théorie de la rivalité mimétique, élaborée depuis une quarantaine d'années par René Girard, et qui, précisément, fait de l'imitation des comportements, et même des désirs entre individus, l'origine de la violence sociale. Apriori, la biologie vient ainsi proposer une sorte d'effecteur à ce que décrit l'anthropologie. Une découverte fortuite C'est tout à fait fortuitement que les neurones miroirs ont été découverts. L'équipe de l'université de Parme cherchait à identifier, chez le macaque, les neurones cérébraux impliqués dans le mouvement du bras. Vient l'heure de la pause-déjeuner, un chercheur tend un sandwich à un autre. A quelques mètres de là, un singe voit le mouvement. Les électrodes, restées connectées, s'allument. L'enregistrement est le même que lorsque l'animal lève le bras, alors qu'il n'a pas bougé. La démonstration était faite que certains neurones, impliqués dans l'exécution d'un mouvement, sont également impliqués dans la perception de ce mouvement effectué par autrui. Décrits initialement dans le cortex prémoteur du macaque, des neurones miroirs ont ensuite été retrouvés chez l'homme, et caractérisés dans d'autres aires cérébrales, notamment le cortex pariétal et le sillon temporal supérieur. Fonctionnellement, par ailleurs, après avoir été impliquée dans des mouvements simples, la fonction miroir s'est révélée également mise en jeu dans des comportements complexes, tels que l'apprentissage, qui suppose la décomposition du mouvement perçu et sa recomposition en configurations nouvelles. Les choses semblent même aller plus loin, puisque, au-delà de la restitution plus ou moins élaborée d'une gestuelle, la fonction miroir paraît impliquée dans l'empathie, cette faculté de partager des émotions sans en expérimenter la cause. Ainsi, si l'on soumet une personne à une petite décharge électrique sous le regard d'un proche, des neurones miroirs vont être stimulés chez ce proche, identiques à ceux stimulés sous l'effet de la sensation directe. Au demeurant, des déficits de la fonction miroir ont été décrits dans l'autisme et la schizophrénie, dont le symptôme est bien la perception problématique d'autrui. Aujourd'hui, c'est dans l'apparition du langage que la recherche tend à impliquer la fonction miroir. Le point fondamental est que cette apparition implique des formes d'échanges préalables aux conventions. «Grâce à ces neurones, ce qui compte pour l'émetteur du message compte aussi pour le receveur, sans qu'aucun symbole arbitraire ne soit nécessaire», résumait le Pr Rizzolatti dans son discours de réception comme associé étranger à l'Académie des sciences, en décembre 2006. La relation, qui se dispense d'un arbitraire préalable, est simplement la relation éthique. Mais il faut retenir que ce qui est ouvert là n'est qu'une possibilité. Ce que la biologie fait reposer sur la fonction miroir est un gradient de possibilités, du comportement le plus élaboré à l'imitation stupide. Et c'est à ce degré zéro des fonctions supérieures que René Girard situe le déclic de l'enchaînement de la violence. La violence et son contrôle René Girard, membre de l'Académie française, se définit comme anthropologue, quoique ses outils soient ceux de la littérature comparée – qu'il enseigne depuis les années 1960 à l'université de Stanford. C'est à partir de l'analyse des textes classiques (de Cervantès à Proust), aussi bien que des récits mythologiques et religieux (des mythes grecs à la Bible), qu'il a élaboré une sorte de modèle explicatif de la violence sociale et de son contrôle par l'institution religieuse. Premier acte : la crise. Un ordre est indispensable à la pérennité de la communauté. Mais l'existence même de celle-ci est constamment menacée par une propension de ses membres au mimétisme. D'interindividuelles, les rivalités qui naissent pour la possession d'objets, la disposition de partenaires… finissent par gagner toute la communauté. Selon René Girard, en effet, le mimétisme est lui-même mimétique. C'est donc la course folle à l'indifférenciation, chacun venant à imiter le désir même de l'autre. S'instaure alors une violence aveugle, totale : la communauté en tant que telle n'existe plus. Second acte : le sacrifice. Cette crise, où la communauté a disparu au profit d'une foule d'individus indifférenciés, ne peut être résolue que par la réorientation de la haine de chacun envers tous, vers un rival commun à tous : la victime émissaire, fréquemment porteuse d'une particularité physique à type d'infirmité, et se situant pour cette raison dans un « angle mort » du mimétisme : de par son défaut, nul ne l'envie. C'est par le sacrifice de cette victime, ritualisé, qu'est rétablie la concorde – jusqu'au cycle suivant, naturellement. C'est donc le sacré que René Girard identifie dans cette fonction de préservation sociale. On note encore que toute l'efficacité du mécanisme reposant sur son occultation, une place à part est faite au christianisme, lequel révèle que c'est la victime qui a raison, et la foule qui a tort, quand les mythes, grecs notamment, justifient la foule contre la victime, perpétuant ainsi le mécanisme sacrificiel. En d'autres termes, le christianisme révèle que le sacré n'est jamais que restaurateur d'ordre, et jamais fondateur d'ordre, la différence entre les deux étant la responsabilité individuelle qui, justement, fait défaut pour commencer dans le mimétisme, et pour continuer dans le sacrifice. Deux disciplines se rejoignent Alors, les neurones miroirs sont-ils le support de la rivalité mimétique entre individus ? Ils constituent en tous cas un excellent candidat au comportement décrit par l'anthropologie. Et cela non seulement en raison de l'évidente convergence fonctionnelle, mais aussi parce que les deux disciplines, quoique chacune avec ses propres concepts, disent rigoureusement la même chose de l'imitation : elles la décrivent comme renoncement à une élaboration possible, image en creux d'un sujet potentiel et non manifesté. Chaque fois qu'un sacrifice est présenté comme inévitable, en lieu et place de cette fatalité, il y a d'abord un déficit de responsabilité. Et cela mérite d'être entendu dans bien des domaines. Après les psychiatres et les neurologues, la rivalité mimétique intéressera peut-être d'autres spécialités biologiques ou médicales. On peut remarquer, par exemple, que la génétique des populations souligne de son côté l'importance du polymorphisme dans la viabilité des communautés d'individus, que, à l'inverse, la dédifférenciation comme facteur de crise, est une notion très évocatrice du problème du cancer, ou encore que la contagion de la violence renvoie à des cinétiques de type épidémiologique. En attendant les spécialistes, la mise en garde contre l'imitation intéresse la société tout entière, et particulièrement de nos jours. Comme l'a rappelé René Girard à l'Hôpital américain, «il existe aujourd'hui des moyens de suggestion autrement parfaits qu'autrefois». VINCENT BARGOIN Neurologie comportementale Les neurones miroirs sont parmi les sujets qui seront abordés ce jeudi au cours des 3es Rencontres de neurologie comportementale, à Paris. Les autres grands thèmes seront « Neuro-économie et prise de décision » et les hallucinations. www.b-c-a.fr/rnc2008. |
Le Quotidien du Médecin du : 07/02/2008 |
Ce qui me semble encourageant, c'est la possiblité que la fonction miroir soit aussi retrouvée dans l'empathie!
Lire ici "Gifles et autres réactions surprenantes" (1)